----------------------------------------------MASAYOSHI URABE --------------------------------------
Longues pauses silencieuses jouées entre quelques notes, respirations, raclements de pas sur le sol, rumeur de la ville, la musique d’URABE commence là dans ces maigres sons du quotidien. L’acte pour l’art, Masayoshi URABE n’est pas dans la chose musicale, dans le jeu et ses techniques apprises, mais dans une poésie de l’action, il parle la langue de ce qui le hante, comme la voix de Billie Holiday et le geste d‘un jeune terroriste : Otera Yamaguchi se faisant seppuku après le meurtre d’un dirigeant politique. L’érotisme et la mort, la musique comme passage ou comme violence, arrachement à la pesanteur terrestre, les morts vont vite, on reste sans. Le grain de la voix de Billie Holiday et le cri dernier d’Otera Yamaguchi raclent le cuivre des saxes alto et soprano de Masayoshi URABE de l’en-dedans, courent les tripes et le sang, partant dans le son ivre et fatal. Masayoshi URABE joue le plus souvent dans des salles avec beaucoup de réverbération, comme s’il voulait donner un corps à ses sons, qu’ils ne partent plus de son seul souffle, mais soient comme des ectoplasmes, se refusant à disparaître, dansant solitaires dans l‘ombre. Sa musique parfois rappelle celle de Kaoru Abe (figure jumelle d’Ayler) une même troublante beauté, musique funèbre jouée pour ses fantômes intérieurs. URABE veut la musique avec intensité, elle doit être nécessaire à soi comme l’air à remplir les poumons, elle doit être poésie de l’action, affirmation du vivant, a spiritual unity. Sons creusés dans de grands blocs de silences, comme si l’air se raréfiait, venait à manquer, le son raclé sur l’os cuivré, brut. Un dernier potlatch offert à un monde qui fuit dans sa représentation, son spectacle, oubliant l’être pour son double.
URABE a arpenté la scène avec le percussionniste Han Bennink, Munehiro Narita de High Rise, Chie Mukaï, Rinji Fukuoka, Hiroshi Hasegawa, Junko (Hijokaidan) ... Si Keiji Haino a été cette ombre noire qui a ramené la guitare du territoire de ses morts légendaires, Masayoshi URABE est aujourd’hui un de ces derniers passeurs des âmes errantes solitaires du saxophone, de cette histoire de bruit et de fureur. Il a enregistré pour les labels PSF (Jap), Tiliqua (Bel), Fractal (Fra), Paratactile (UK), SIWA (USA) et Elevage de Poussière (Fra).